Motocultor 2025 : Yann Le Baraillec nous parle de la prochaine édition du festival

Motocultor 2025 : Yann Le Baraillec nous parle de la prochaine édition du festival

Pierre Sopor 4 mai 2025

Yann Le Baraillec, le directeur et fondateur du Motocultor, peut souffler : pour la troisième année de suite, le festival se tiendra à Carhaix sur le site des Vieilles Charrues, une stabilité qui permet au festival de se développer et de proposer des têtes d'affiche prestigieuses. Il revient pour nous sur l'édition à venir, ses fiertés, ses doutes, mais aussi sur le Reanimator, petit festival lancé en marge du Motoc. On y parle des sujets qui fâchent, comme les toilettes et le metalcore, mais aussi de ce qui nous met d'accord, comme la bière.

L'affiche, qui a toujours été assez variée, est toujours plus ouverte à des genres différents avec quelques prises de risque... Avez-vous une ligne éditoriale claire et définie de ce que doit proposer le Motocultor ?
Au début, on était plutôt metal extrême old-school mais on a toujours débordé. J'ai du mal à rester dans les clous, donc par le passé on aimait déjà bien aller vers d'autres choses. Aujourd'hui, on peut le faire de manière plus importante et avec des groupes plus gros et c'est donc plus remarqué, alors qu'avant on débordait en invitant des groupes plus confidentiels, ce qui passait plus inaperçu. On a toujours eu cette volonté de débordement et depuis qu'on est passés à un festival de quatre jours et quatre scènes en 2022, ça nous permet de le faire encore plus et d'aller vers des styles qu'on ne faisait pas trop, comme le metalcore par exemple. Faire jouer 110 groupes nous permet de rester cohérents avec à peu près autant de metal extrême old-school qu'avant, tout en élargissant en fonction des opportunités. Le fait d'être en Bretagne nous ouvre aussi quelques portes, comme quand on fait jouer Alan Stivell, ce que d'autres festivals metal n'auraient peut-être pas fait en étant basés à Lille ou Lyon... Il faut faire des choses qui plaisent au public local. Cette volonté de déborder reste un fil conducteur pour nous.

Il n'y a donc pas spécialement de sous-genre de metal qui n'aurait pas sa place chez vous ?
Avant, il y avait le metalcore ! Je ne m'en remets toujours pas !

En même temps, pendant les concerts de metalcore, on voit le public faire des trucs bien débiles souvent, et c'est rigolo...
Oh, il y a le grindcore aussi pour ça !

Qu'avez-vous chercher à améliorer en terme d'accueil des festivaliers par rapport aux fois d'avant ?
On continue à améliorer tout ce qui est temps d'attente. Comme on reste sur un festival de taille moyenne par rapport à d'autres, on peut essayer de résoudre certains problèmes peut-être plus facilement que certains mega-festivals comme les Vieilles Charrues par exemple. On essaye de faire au mieux pour que les gens profitent plus du festival et passent moins de temps à faire la queue à l'entrée, aux toilettes, à la restauration, etc. C'est une chose qu'on a déjà améliorée et sur laquelle on continue de travailler. Avoir plus de monde en public nous permet d'avoir plus de moyens... et donc un peu plus de toilettes ou de personnel pour les nettoyer ! Des toilettes plus propres, c'est toujours appréciable après quatre jours de festival ! On travaille désormais avec une boite locale, qui bosse aussi sur les Vieilles Charrues... c'est un gros budget mais on est satisfaits, ça roule bien.

On a parlé metalcore. On a parlé toilettes. Puisqu'on est dans les sujets super importants, parlons de la bière. Es-tu satisfait d'être passé à une offre uniquement locale depuis l'an dernier ?
C'est effectivement une expérience à reconduire... Après, c'est vrai que les marges sur les recettes se réduisent. On s'y attendait et, effectivement, on gagne moins d'argent. Mais on y gagne en qualité, chacun peut s'y retrouver et c'est important. On avait déjà eu un partenariat local par le passé, de 2012 à 2018 on travaillait avec la brasserie Coreff, qui est de Carhaix, mais on n'avait que deux références. Aujourd'hui, on en a trois ou quatre mais aussi d'autres brasseries locales donc il y a du choix ! Et puis on a ajouté les machines à bière automatiques, c'est bien parce que ça permet aussi de réduire les temps d'attente au bar tout en proposant encore plus de choix !

As-tu une idée de la quantité de bière vendue pendant le festival ?
On est à environ 60000 litres sur quatre jours, pour 55000 entrées... mais après on a aussi du cidre ! Et du vin aussi, mais les gens ne devaient pas le savoir, on n'en avait mis que dans un seul bar... En tout cas, on a aussi du vin !

C'est votre troisième année à Carhaix. As-tu la sensation que le Motoc a trouvé sa maison ou es-tu déjà en train de penser au moment où il vous faudra déménager à nouveau ?
J'aurais du mal à imaginer que ça bouge. Un retour à Saint-Nolff par exemple serait impossible, on s'est trop agrandis. Avec les Vieilles Charrues, Carhaix a la possibilité d'accueillir 80000 personnes donc on est tranquilles. On est vraiment bien là-bas, on est bien accueillis à la fois par la mairie et la population, les relations sont bonnes. Les gens du Finistère viennent de plus en plus. Je me rends compte avec le Reanimator Festival qu'on a plus du mal à faire venir du monde dans le Morbihan !

On allait justement te demander ton ressenti sur la première édition du Reanimator l'an dernier...
Ça s'est bien passé. On a vu qu'on pouvait mobiliser des équipes, cette année on n'a même pas eu besoin de faire d'appel public pour avoir des bénévoles. Ceux qui étaient venus l'an dernier reviennent. Je n'ai pas envie que le Motocultor devienne un méga-festival donc l'idée était de lancer un deuxième événement pour étendre notre activité sans faire pour autant grandir le Motoc. Je pense que la convivialité reste notre point fort et je tiens à ce que l'on maintienne ça, même si on grandit légèrement.

Mais est-ce que le Reanimator pourrait grandir ?
Pour ça, il faudrait déjà qu'on ait un peu plus de monde pour qu'il soit viable. On est à notre deuxième édition cette année, il y en aura sans doute un troisième, mais si on n'attire pas plus de monde il n'y aura peut-être pas de quatrième... Il faut qu'on arrive à annoncer les groupes plus tôt et sûrement qu'on arrive à avoir des groupes un peu plus gros pour donner envie aux gens de venir et les fidéliser. Là, si je compare avec le Motoc, il faudrait qu'on ait à peu près autant de monde qu'en 2010 et donc avoir une affiche du même type (avec, à l'époque, tout de même entre autres Sodom, Dagoba, Ultra Vomit, Tamtrum, 1969 Was Fine, My Own Private Alaska, Korpiklaani, Loudblast..., ndlr). On a quand même Didier Super, Master Boot Record qui fait plein de dates en France et est complet à chaque fois, Asphyx, Hellripper... Bon, Nytt Land a annulé. Enfin, ils ont dit oui, puis non, puis re-oui, mais finalement c'est non alors on espère les voir en 2026. Je crois qu'on avait dealé avec les musiciens en direct mais le booker avait négocié une exclusivité avec un autre événement en parallèle alors qu'ils avaient l'air motivés !

Qui aimerais-tu faire jouer au Motoc ?
Avoir Machine Head cette année, c'est déjà une fierté. Ce n'est pas un groupe que l'on pouvait envisager encore récemment. Là, je ne sais pas, ça dépend des opportunités. Cette année, on a Dimmu Borgir qu'on n'avait jamais eu... On a Ihsahn, mais j'aimerais bien avoir Emperor un jour ! Ou Megadeth aussi, même si ça devient de plus en plus dur, il est beaucoup plus cher ! A l'inverse de Machine Head, il y a aussi les groupes qui étaient encore possibles il y a deux ans et qui sont désormais hors de portée, ça c'est chiant !

Vous avez réussi à ravoir Landmvrks, qui a complètement explosé ces derniers temps, notamment depuis leur dernier passage en 2023... J'imagine que vous avez signé le contrat il y a un petit moment !
Ouais, mais bon, ils ont quand même bien négocié leur deuxième venue ! Tant mieux pour eux.

Comme d'habitude, on peut lire beaucoup de critiques sur l'affiche du Hellfest... Mais leur affiche semble encore plus diviser que d'habitude cette année. Est-ce que de votre côté, vous avez constaté un bond dans les ventes de tickets pour le Motoc suite à l'annonce de l'affiche du Hellfest ?
Il y a une légère hausse, mais c'est difficile de répondre car on a lancé notre communication digitale à peu près en même temps. J'aurais préféré qu'on mette tout ça en place avant pour justement voir si ça avait joué ou pas... Après, les gens ont aussi le choix avec d'autres festivals comme l'Alcatraz, le Brutal Assaut, etc. Selon où ils habitent, le Motocultor peut être une alternative. Pour nous, les gens se décident toujours beaucoup au dernier moment, les places se vendent surtout après le Hellfest. Là, on est a 50% de pass vendus pour les quatre jours, c'est à peu près comme d'habitude à ce moment de l'année mais en un peu mieux quand même. Je pense qu'on a une programmation solide qui attire les gens, avec Machine Head, Mogwai, Dimmu Borgir, I Prevail, Kerry King... Peut-être que la déception pour certains du Hellfest nous aide un peu, mais je pense que l'ensemble de notre programmation fait qu'on a aussi plus de monde.

A quel point as-tu participé à la programmation ?
Je valide tous les groupes sur les questions financières. L'essentiel de la programmation est faite par Ben et Pierre mais moi j'aime bien m'occuper des groupes émergents. Je m'occupe surtout de ceux qui sont en Bretagne car c'est une scène que je connais bien. Il y a beaucoup de très bons groupes, on passe à côté de plein ! Entre 2011 et 2018 on faisait des Tremplins et je n'étais pas convaincu, même si certains sortaient de l'ordinaire, donc je ne sais pas si les bons groupes ne s'y présentaient pas ou s'ils sont tous apparus récemment ! Je pense par exemple à Saqqarah, qui fait du rock progressif avec des grosses influences Pink Floyd. Je connaissais le chanteur, mais je ne savais pas qu'il chantait, il est écrivain à côté... Il y a aussi VONSHARON, qui vient de la région de Vannes et qui fait du rock, ou MØSI que je connais depuis très longtemps et à qui je disais "un jour, peut-être", un groupe de post-rock qui chante en français. En général j'ai du mal, c'est mes goûts perso, mais je trouve que chez eux ça sonne bien !

On sait que ce n'est pas une question qui se pose et que tu ne pourras sûrement pas répondre, mais à l'inverse des groupes que tu aimerais faire venir, est-ce qu'il y a des groupes que tu ne veux plus jamais voir au Motoc, et pour quelles raisons ?
Alors plus jamais, je ne pense pas, on n'est pas rancuniers. Mais il y a effectivement des groupes qu'on ne se voit pas trop programmer à nouveau. C'est très rare, la plupart du temps ça se passe très bien, mais je pense à un groupe en particulier qui a été infect ! Je ne peux pas vous dire qui, juste que ça rime avec "Motocultor" !

Est-ce que maintenant que le festival se tient à Carhaix pour la troisième fois de suite, tu vas avoir plus de temps pour profiter de ton propre festival ?
J'ai un peu de temps, ce n'était pas le cas avant. J'aimerais bien aller voir Mogwai, Machine Head et Dimmu Borgir, mais ça se trouve il y aura d'autres choses à faire à ce moment-là... Je ne me dis pas que je vais voir tel ou tel groupe, je fais plutôt le tour des équipes et en passant à côté des scènes, je reste un ou deux morceaux pour voir ce qu'il se passe.

On se doute que tout cela te demande beaucoup de travail et reste plein d'incertitudes... T'arrive-t-il d'en avoir marre ? D'avoir envie de délaisser le Motoc ou de te consacrer à des événements plus petits, comme le Reanimator ?
Oui, c'était cool de faire le Reanimator, j'aime bien ! Ça fait du bien.

On remarque que tu ne réponds pas à la question "en as-tu marre du Motoc" mais que tu réponds à "aimes-tu travailler sur des événements plus petits" !
C'est vrai que ça m'a fait du bien de faire autre chose. J'aime faire le Motocultor, j'ai envie de continuer, mais si je peux faire d'autres projets à la place ou en plus du Motocultor, pourquoi pas. Avoir du temps pour d'autres projets, ça pourrait être bien...

Justement, tu en parlais un peu quand il était question de choisir des groupes locaux émergents... Mais quelle part d'artistique vois-tu dans ton métier ?
Je me bats pour qu'il n'y ait pas trop de metalcore ! Si je n'étais pas là, il y en aurait encore plus ! Il y en a trop ! Plus sérieusement, je trouve ça cool quand on a des petits désaccords sur la programmation. Moi, j'aime bien l'aspect artistique, il faut aussi qu'on garde l'âme du festival. Je trouve ça cool que ça déborde un peu, qu'il y ait du rock et tout... mais pas trop de metalcore ! Là on teste un peu des trucs avec Kap Bambino et Bloody Beetroots, j'attends de voir l'accueil. Mais bon, à chaque fois je repense à ma surprise en 2014 avec Little Big. Au départ, je ne voulais pas les prendre parce que ne j'osais pas assumer le truc. J'avais peur que le coup de la naine sur scène fasse trop cirque et puisse être vu comme dégradant, je trouvais ça bizarre, je n'avais pas compris leur truc. Et plein de jeunes dans l'association m'ont dit "mais si, c'est trop cool, il faut les faire !". L'année d'après, la première fois que Little Big est venu, Pentagram devait jouer à 1h du mat mais trois semaines avant, le booker se réveille et nous dit "ah mais non, c'est pas possible à cette heure, le chanteur est trop vieux !". Il fallait donc trouver qui allait jouer à 1h du mat et personne ne voulait de ce créneau... Donc on a mis Little Big. Bon, bah... c'était bizarre, hein ! Moi j'ai trouvé ça trop bien, mais ça faisait boite de nuit, c'était surprenant ! Je me suis dit "ah ouais, c'est plein, les gens sont tous là et ne partent pas au camping, ils dansent, c'est cool !". Donc bon, pour être honnête, je ne sais pas trop ce que ça va donner avec Kap Bambino, je ne sais pas si moi tout seul je l'aurais fait, mais on verra bien si ça marche !

Pour conclure, de quoi es-tu le plus fier dans ton travail ?
Je pense que c'est l'ambiance. Elle était déjà bien, mais je trouve que depuis deux ou trois ans, c'est vraiment super. Je me dis qu'en tant que festivalier, j'aimerais trop aller au Motocultor ! Peut-être que c'est aussi parce que j'ai plus le temps d'en profiter... C'est vraiment cette ambiance que je trouve unique.

Comment ça unique ? Unique dans le sens "les gens ici sont vraiment très polis" ou plutôt unique dans le sens "les gens ici sont particulièrement stupides ?"... ou quelque part entre les deux ?
Ça dépend ! Peut-être qu'on peut être particulièrement stupide à certaines heures ou devant certains groupes... C'est ça qui est bien, le public n'est pas le même à tous les moments de la journée ! On a un nouveau chargé de sécu d'ailleurs qui essaye de faire venir le boss de sa boite cet été, il lui dit "allez, viens, c'est pas pareil, il faut que tu vois ça !". Pour lui, il n'y a quasiment pas d'interventions à faire sur le public donc c'est plutôt cool, même s'il y a toujours des choses à faire sur les VSS et des moyens d'améliorer ça. Mais c'est vrai que par rapport à des festivals généralistes, nos chargés de sécu ne s'ennuient pas et sont à la fois tranquilles !