Amateurs d'obscures curiosités, ressortez vos capes noires : Chroniques de Vampires, Vourdalaks et autres Non-Morts est à l'origine un recueil auto-édité de nouvelles écrites par Nazteratom sur le mythe du vampire. Ce qui nous intéresse aujourd'hui est sa bande-son, signée Sona Nyl fin 2023 et qui ressort en format physique ultra-limité (rendez-vous sur bandcamp) et augmentée d'un titre supplémentaire. Cet accompagnement entre dark ambient et synthwave commence déjà par nous taper dans l’œil avec son artwork signé Lorenzo Bis qui sent bon l'amour pour les horreurs à l'ancienne et les publications d'EC Comics. Voilà pour l'aspect trans-média qui intrigue.
Côté musique, nous sommes bien face à une bande-son : les morceaux sont courts et fonctionnent parfaitement comme illustration ou accompagnement. Sona Nyl, alias El Prêtro Maniaco (ou Ludovic Leprêtre la journée, quand il doit remplir des papiers administratifs) ressort ses synthés et son goût pour les atmosphères opaques et mystérieuses. Cette Ruelle brumeuse qui ouvre l'album est une invitation à déambuler dans un univers urbain, sombre, auquel les textures synthétiques donnent forcément une aura futuriste mais qui dégouline aussi d'une nostalgie pour le minimalisme redoutable des compositions de John Carpenter et autres illustres patrons du genre que Sona Nyl vampirise ici avec appétit.
Le recueil de nouvelles inspirant la musique piochait lui aussi dans diverses temporalités, mêlant le classique au moderne. Des Vourdalaks de Tolstoï, qui inspiraient aussi bien Mario Bava dans ses Trois Visages de la Peur que, très récemment, le français Adrien Beau le temps d'un excellent film qui mélangeait poésie macabre et humour noir avec brio, aux vampires contemporains qui remplissent les rues de Je Suis Une Légende de Richard Matheson à la nuit tombée, en passant bin sûr par les plus célèbres comtes et comtesses de l'Europe de l'Est, les inspirations ne manquent pas quand il est question d'êtres s'emparant de notre souffle vital pour accéder à l'immortalité. Les univers auxquels Sona Nyl donnent vie sont à l'image de cette variété.
On ne va pas se réinventer : nous, c'est quand la musique se drape des ténèbres les plus épaisses que l'on est le plus séduits. L'hypnotique Mirage et sa pesanteur menaçante, les froides mélodies inquiétantes de Jeux d'Enfants ou Sombre Résurrection dont les notes transpercent la nuit comme des canines ouvrent une veine, l'ampleur plus mystique et rituelle de Devenir un Dieu ou encore les chœurs spectraux qui hantent Nous Sommes une Légende sont autant de moments dont on apprécie la sinistre saveur et la théâtralité.
Alors que l'on trouvait que la crépusculaire conclusion de l'album lors de sa première sortie, Quand le monde s'agenouillera devant toi, faisait une fin idéale à cet ensemble avec son humeur funèbre où grandiloquence nocturne et menace se côtoient, Sona Nyl nous surprend avec EchoBis, le titre bonus. Un final sous forme d'assaut synthwave dansant, où quelques guitares se greffent aux lignes de basse : c'est surprenant, rafraîchissant, et évoque une approche moins ésotérique du vampire, plus rentre-dedans (John Carpenter, on pense à toi, encore et toujours). Non seulement ces Chroniques de Vampires, Vourdalaks et autres Non-Morts nous proposent un accompagnement idéal pour nos errances nocturnes, que ce soit sous les lumières blafardes des lampadaires d'une ville pleines de recoins obscurs ou dans les brumes d'une campagne déserte, mais nous donnent également envie d'aller lire le recueil qu'elles illustrent. Ramené à la non-mort en pleine période estivale via sa réédition, cet album méritait bien que l'on sorte de notre caveau pour en aspirer goulûment les fluides !
