Chronique | Ghost - Prequelle

Pierre Sopor 31 mai 2018

Le phénomène GHOST est de retour, après avoir été bien chamboulé depuis la sortie de Meliora en 2015. Renouvellement du line-up, procès, perte d'anonymat : GHOST a changé de visage et son leader aussi. Adieu le maquillage des Papa Emeritus, c'est sous le masque du Cardinal Copia que Tobias Forge évolue désormais. Le plus important restant la musique, il était cependant légitime de se demander si Prequelle se hisserait à la hauteur de ses prédécesseurs, qui ont rapidement hissé le groupe suédois vers les sommets de la scène metal mondiale.

Avec son titre et surtout son artwork chargé évoquant les visions cauchemardesques de Bosch, Prequelle annonce la couleur : le background du disque lorgne vers le médiéval, un cadre idéal pour GHOST. Entre la peste et l'Eglise, pourquoi choisir ? Il y a de quoi faire ! C'est pourtant sur une comptine lugubre datant a priori du XVIIIème siècle que démarre l'album avec Ashes. La comptine en question, Ring a Ring o'Roses, ferait d'après certains référence aux épidémies de peste en Europe. Certes, ça ne colle pas vraiment historiquement, mais avec son ambiance morbide et ses voix d'enfants s'amusant du fléau, l'intro plante le décor : macabre, inquiétant mais aussi étrangement ludique et festif. Une ambiance qui se prolonge avec Rats, le désormais célèbre single et sa rythmique presque enjouée, particulièrement entraînant. Il est impossible de ne pas avoir les images du clip en tête, sorte de comédie musicale funèbre et apocalyptique couchée sur VHS. Les rats envahissent la ville et véhiculent la peste alors que la Mort, chevauchant son blanc destrier, vient danser follement dans les décombres. Le chant de Tobias Forge évoque toujours ce même curieux mélange, comme si un prêtre se mettait à reprendre ABBA lors de la messe du dimanche, un truc à la fois pop et sacré, séduisant et venimeux : l'alchimie parfaite pour l'univers du groupe.

Mort et religion sont omniprésentes dans Prequelle, allant main dans la main, l'un étant la conséquence de l'autre (et vice-versa). Les guitares sont particulièrement lourdes en ce début d'album, entre la fin de Rats et les riffs des couplets de Faith et pourtant, déjà, le résultat s'éloigne des compositions plus tortueuses et progressives de Meliora pour quelque chose de plus rock'n'roll. Avec son rire diabolique et sa voix soudainement démoniaque, Faith se la joue plus effrayante, ce qui n'empêche pas les refrains de se frayer un chemin vers la lumière, toujours plus légers et optimistes. La mort a beau être partout, que cela ne nous empêche pas de vivre ! Cette dualité s'exprime dans la musique via le contraste entre les refrains pops qui viennent adoucir les riffs de guitares les plus acérés. GHOST continue de se diriger vers un son toujours plus accessible : les rythmiques sont accrocheuses et les refrains restent en tête, le tout bien aidé par une production impeccable. Blockbuster hard-rock et pop, Prequelle ne fait pas non plus l'économie du théâtral (l'orgue à la fin de Faith, les R roulés du refrain de See the Light, toute la construction de Life Eternal). Le savoir-faire de GHOST n'est pas à démontrer quand il s'agit de pondre un gros hit et Danse Macabre (tiens, encore des histoires de danse, de mort et de peste !) vient nous le rappeler, avec son refrain ultra-pop, sa batterie et son clavier bien kitch mais irrésistibles. Les compositions sont toutes des modèles d'efficacité, même une fois privée de la voix de Forge comme le prouvent les deux instrumentales de l'album, Miasma et Helvetesfonster dans deux registres très différents : à la première, très typée années 70 / 80, la seconde semble répondre par une ambiance plus lugubre et des sonorités plus archaïques et folk. Life Eternal, avec ses choeurs, ses guitares dégoulinantes et son piano est l'apogée du propos de GHOST, poussant toujours plus loin l'aspect pop et théâtral ainsi que la dynamique entre vie et mort : la meilleure fin pour l'album, à moins de prendre en compte les titres bonus. Vous devriez les prendre en compte d'ailleurs, la reprise de It's a Sin des PET SHOP BOYS est beaucoup trop cool alors que celle d'Avalanche de LEONARD COHEN est tout de suite plus plombante. Dualité, encore et toujours.

Prequelle ne révolutionne pas spécialement GHOST. Il est le prolongement logique d'un concept toujours plus assumé et efficace, tendant vers un son de plus plus accessible mais certainement pas moins riche. Album accrocheur et décomplexé, Prequelle est aussi un disque de qualité constante où l'on ne s'ennuie jamais. Mieux : en sortant début juin, il tombe à pic pour vous fournir tous les tubes de l'été dont vous pourriez avoir besoin. Décidément, cette reformation d'ABBA vaut le détour !