Chronique | Carrion - [ BLOOD + DIAMONDS ]

Pierre Sopor 13 octobre 2022

Hide Tepes tisse peu à peu sa toile faite de ténèbres et de menaces contenues. Que ce soit avec CARRION ou SEVER THE SERVANTS, la noirceur envahit son travail. Bosseur, l'artiste est de retour avec un nouvel EP de son projet de black metal industriel (faute de meilleur étiquette), mixé et masterisé par Mike Nolen, son binôme dans SEVER THE SERVANTS.

Ce qui séduit chez CARRION, c'est ce refus de la frime et de la surenchère. La terreur est sous-jacente, elle rampe dans ces chuchotements, ce côté lo-fi particulièrement lugubre. Le morceau-titre puise son introduction dans l'indus old-school (on pense à SKINNY PUPPY, évidemment) avant que des guitares agressives n'alourdissent le propos. C'est à la fois inquiétant et accrocheur. Malgré un rythme de sortie très soutenu (un album par an, à la louche), on note une évolution du son de CARRION, plus varié dans ses influences (Hide Tepes parle même de trap : si on n'en est pas encore à danser une bouteille de vodka à la main, on comprend ce qu'il veut dire). La plus grande force du projet réside toujours dans les ambiances cauchemardesques qui se mettent en place (Heaven Can Wait et ses nappes mélancoliques posées sur des hurlements écorchés) et dans le contraste avec la lourdeur des machines. La conclusion de l'EP, Black and White and Blood est d'ailleurs particulièrement écrasante, avec ses riffs répétés jusqu'à l'aliénation et ses percussions métalliques : industrielle et dantesque.

Peu de projet savent emprunter aussi bien au black metal et à l'industriel pour en restituer cet aspect oppressant, suffocant, malsain et effrayant. CARRION n'est pas venu pour rigoler ni pour danser et ce nouvel EP au parfum putride et apocalyptique est une bien belle illustration de la vigueur créative de son auteur. Déprimant, feutré, suintant et méchant, [ BLOOD + DIAMONDS ] est le shot de ténèbres idéal.