Chronique | Arcadea - The Exodus of Gravity

Pierre Sopor 27 août 2025

Après un premier album éponyme sorti en 2017, on se demandait bien où allait nous emmener Arcadea, le groupe de synth-metal progressif formé par le batteur de Mastodon Brann Dailor et le guitariste de Zruda Core Atoms, rejoints ici par João Nogueira aux synthés (remplaçant Raheem Amlani). The Exodus of Gravity apporte la réponse : cinq milliards d'années dans le futur, rien que ça. Arcadea n'a jamais eu pour objet de stagner ou de camper dans ses zones de confort (la preuve, Dailor se met à chanter et, bien que co-fondé par un guitariste et très inspiré du rock progressif des années 70, Arcadea remplace les guitares par des synthés) : le voyage s'annonce à nouveau aussi mouvementé que surprenant !

La gravité n'existe plus, nous disent-ils. Tout est sans dessus-dessous. Un état que l'on ressent bien dans l'énergie de Dark Star, entrée en matière menée tambours battants où l'empilement de samples survenant à la moitié du morceau crée un kaléidoscope psychédélique et chaotique. Arcadea nous dépayse avec son approche rétro-futuriste mais n'en oublie pas pour autant de nous donner envie de remuer nos popotins. C'est fun, entraînant, mais également riche en surprises inattendues et en nuances (le chant de Dailor sur le morceau titre) ou passages plus rentre-dedans (Lake of Rust ou Galactic Lighthouse, avec leurs riffs synthétisés, pourraient facilement devenir plus lourds et agressifs). 

L'approche, pourtant, est plus immédiate que sur le précédent album. Dans une attitude résolument retro, Arcadea refuse les évocations futuristes trop pessimistes : leur science-fiction est colorée et teintée d'optimiste. Il en résulte un album plus dansant et déjanté dont les explorations cosmiques partent parfois dans tous les sens (le final, Planet Pounder, a des airs de trip spatial théâtral : vous ne savez pas exactement comment vous devez danser, mais vous finirez en posture extatique, des trous noirs plein les yeux, à contempler l'infini des possibilités futures !). On en savoure alors souvent le parfum cinématographique qui arrive à nous tenir en haleine (Silent Spores et sa conclusion aux airs de tombé de rideau).

Album perché, The Exodus of Gravity abolit, justement, la gravité tonale : on est là pour explorer la galaxie et s'amuser. Il y a un peu de jazz ou de Magma dans ces synthés débridés. Le chant de Dailor, clair et sans excès de manière, séduit et fournit un point de repère organique, à la fois guide et narrateur de cette étrange odyssée. Arcadea est une bulle d'air récréative pour ses auteurs, qui viennent y essayer des choses auxquelles ils ne peuvent toucher dans leurs projets respectifs. On les préférait peut-être un brin plus sombre, mais c'est parce qu'on est bougon : leur fiesta futuriste est une expérience savoureuse, aussi déstabilisante qu'agréable.

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Pierre Sopor

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