Then Comes Silence + Aux Animaux @ La Boule Noire - Paris (75) - 4 septembre 2023

Live Report | Then Comes Silence + Aux Animaux @ La Boule Noire - Paris (75) - 4 septembre 2023

Pierre Sopor 11 septembre 2023 Pierre Sopor

Actifs depuis 2012, les Suédois de Then Comes Silence ont beau s'être forgé une belle réputation parmi les amateurs de post-punk, ils restent bien trop rares en France, où ils n'étaient venus qu'en 2019 pour un festival organisé par le label North Shadows Record à Auchel, dans le Pas-de-Calais. Il s'agissait donc cette fois de leur premier passage à Paris, le tout sous le regard toujours vif et avisé de Persona Grata, indispensable quand il s'agit d'organiser de belles soirées ténébreuses. La première partie était assurée par Aux Animaux, one-woman band de la Suédoise Gözde Düzer qui avait participé à Hunger, le dernier album de Then Comes Silence.

AUX ANIMAUX

Entre darkwave et synthwave, Aux Animaux s'attribue une étiquette "hauntwave" tout à fait pertinente. Des synthés mélancoliques et froids, un chant distant, une ambiance spectrale et des visuels inspirés par le cinéma fantastique (jusqu'au sample de Bela Lugosi dans le rôle de Dracula en intro de Night) : Aux Animaux plante un décor gothique aussi lugubre que familier et réconfortant autour de sa musique pour mieux nous hanter et nous faire frissonner. Il en est de même sur scène quand, au début du concert, Gözde Düzer apparaît recouverte d'un voile rouge qui laisse deviner son maquillage, allume les bougies d'un chandelier à trois branche et, à genou, boit à son calice. On ne sait pas vraiment quels esprits elle invite avec elle sur scène ou si elle invoque quelque chose de plus inquiétant, mais l'effet est réussi. L'atmosphère posée fonctionne, notamment grâce au thérémine et ses notes semblant toujours venir d'un autre monde... le fait d'en jouer sans le toucher ajoute d'ailleurs une touche de théâtralité immatérielle supplémentaire. Puis le rythme s'accélère et Düzer tombe le voile pour mieux communiquer son énergie, qu'elle partage généreusement avec le public. Il en faut pour occuper seule la scène mais, petit à petit, la formule fonctionne et l'audience se montre réceptive.  La voix nous semble cependant un peu trop en retrait... ou pas assez abstraite pour évoquer une âme en peine, allez savoir ! Cela ne nous empêche pas d'apprécier tout particulièrement la froideur de cet univers et sa mélancolie fantomatique poétique, ainsi que la passion et la conviction qu'y met l'artiste.

THEN COMES SILENCE

Avec Then Comes Silence, on se soucie moins du décor. Les trois musiciens prennent place en toute simplicité sur la scène de la Boule Noire pour secouer leur public sans plus d'artifices. Les Suédois ont le sens du riff qui fait mouche et de la rythmique qui embarque son auditoire : les titre s'enchaînent avec efficacité et entrain. Leur mélange de post-punk et de rock gothique ne lésine pas sur les touches psychédéliques et la lourdeur mais n'a pas non plus peur des envolées mélancoliques, les Suédois croisent les différents genres pour proposer un ensemble cohérent, naturel et organique. Malgré le départ relativement récent du second guitariste Mattias Ruejas Jonson, Then Comes Silence n'a perdu ni de son intensité, ni de son mordant. On note qu'Alex Svenson porte un t-shirt Grave Pleasures : il y a bien chez les deux groupes un même goût pour la danse mélancolique, ce côté à la fois rentre-dedans et nostalgique, respectueux des influences 80's sans être passéiste, l'équilibre élégant entre la pesanteur morose et les échappées plus légères (Good Friday et sa mélodie obsédante). Ni le chant parfois sépulcral, ni la froideur des mélodies ne suffisent à rafraîchir l'atmosphère étouffante de la Boule Noire et bien que la salle ne soit pas tout à fait pleine à craquer, l'air est aussi étouffant que saturé d'énergie. Les titres récents comme Tickets for Funerals, Chain et Rise the Bait ou plus anciens comme Animals et son rythme effréné font un carton, on sue à grosses gouttes dans les ténèbres tout en goûtant cette tension subtile entre une ambiance funèbre et une énergie presque festive. Sur scène, Then Comes Silence ne surjoue pas les émotions, ne fait pas dans le théâtral (contrairement à certains clips à l'esthétique très soignée) : c'est simple, sincère et efficace. Certes les codes du genre ne sont pas chamboulés, mais ce n'est pas ce que l'on demande. Ce romantisme, cette mélancolie, cette noirceur, quand c'est fait avec autant d'envie de te talent, ça fait toujours son petit effet !