Chronique | Thief - The 16 Deaths of my Master

Pierre Sopor 20 septembre 2021

Troisième album du multi-instrumentiste Dylan Neal avec son projet THIEF, The 16 Deaths of my Master est une nouvelle pierre à la cathédrale musicale construite petit à petit par son auteur. Électronique sinistre et mystique décrite par l'artiste comme composée pour des "salles de bal hantées et églises électriques", la musique de THIEF a su imposer sa personnalité unique grâce à ses ambiances élaborées et un ton résolument sombre.

Pourtant, jusque là, on pouvait reprocher aux albums de THIEF une certaine homogénéité des émotions qui faisait que, passée la délectable surprise initiale, notre attention se diluait quelque peu au fil de l'écoute. The 16 Deaths of my Master prolonge les évolutions entrevues sur Map of Lost Keys et, dès Underking, se révèle plus accrocheur. THIEF a gagné en agressivité et en efficacité, le rythme y est plus soutenu. La mélancolie du chant, les chœurs, les orgues et les harpes sont toujours bien là mais distordus, maltraités, cachés derrière des beats agressifs et des influences industrielles plus criantes que jamais (Fire in the Land of Endless Rain). On est séduits par l'énergie qui se dégage de ce début d'album où Neal propose une espèce de trip-hop dark : le dynamisme de Bootleg Blood, les élans bruitistes de Teenage Satanist ou de la baroque Gorelord et les hallucinations oniriques de Scorpion Mother fonctionnent carrément.

The 16 Deaths of my Master est plus facile d'accès que ses prédécesseurs, plus séduisants, son plaisir plus immédiat. Il est aussi plus varié. Pourtant, seize morts, ça fait long et alors que l'on pourrait craindre que THIEF finisse par pécher par excès de générosité et qu'une certaine routine s'installe, il n'en est rien. On même si l'on s'habitue au style, on continue d'être régulièrement surpris par la puissance de certains passages (les mélodies et l'angoisse étouffante de Victim Stage Left, le final de Crestfaller, les cris contenus de Grave Dirt...), des éclats liés entre eux par des plages atmosphériques nous maintenant dans ce monde irréel et mystique fait de rêves torturés.

The 16 Deaths of my Master est l'album le plus abouti de THIEF. Est-ce un hasard s'il s'agit aussi de son plus accessible ? Dylan Neal y trouve l'équilibre idéal entre agressivité, mélancolie et atmosphères, réussissant à donner à l'ensemble un souffle qui faisait parfois défaut à son projet et réussit à le maintenir tout au long de l"album.