Aaaah, l'Allemagne et sa scène "metal indus / NDH" faite des descendants plus ou moins difformes de OOMPH!, Rammstein et Eisbrecher qui recyclent à tours de bras (musclés et velus, bien sûr) les mêmes rythmiques martiales, les mêmes obsessions virilistes (les grosses usines, les gros bateaux, la guerre, les gros robots du futur) et le même humour graveleux jusqu'à l'auto-parodie... ça cartonne autant que ça agace, les puristes grinçant forcément des dents à chaque fois qu'on applique l'étiquette "industriel" au premier groupe venu qui colle quelques beats electro sur des riffs de guitare. Oui, mais bon, Hasswut fait partie des petites exceptions dans cette scène : ils sont Espagnols. Qu'est ce que ça change ? Rien. Tout. On ne sait pas trop, pour trancher il faudrait réfléchir. Et réfléchir, ça fait trois syllabes. Faut pas déconner, on n'écoute pas Hasswut pour dire des syllabes. Hasswut (soit "haine colère", en français) revient avec son quatrième album en dix ans, Sauerstoff. Mettre son fort. Taper des trucs.
COLÈRE HAINE commencer album Sauerstoff avec musique Sauerstoff. Grosse colère, grosse haine, guitares mammouth, doum-doum-doum, paroles scandées en allemand, grosse voix grave... On a déjà entendu tout ça mille fois. Et puis, d'un coup, Daniel NQ s'énerve derrière son micro, les synthés prennent le devant et font pouêt-pouêt et Hasswut réussit l'impossible : nous dérider et nous embarquer. Les mélodies sont simples, mais ça marche dans cet équilibre entre réelle rage et décalage cyber-futuristico-festif. Le propos est social, qu'on nous dit. Il y a un côté un peu théâtral, l'impression de se retrouver dans un cirque de monstres totalement bourrés qui se lancent dans une danse frénétique. C'est RIGOLO.
Sauerstoff est rempli de petits avantages qui lui permettent d'être plus digeste que prévu. Probablement que les racines aggrotech parfois flagrantes (Vorsicht Zerbrechlich) permettent aux parties electro d'avoir plus d'intérêt que d'habitude dans le genre, ou en tout cas d'exister suffisamment pour insuffler leur énergie, leur oxygène (ça se dit "sauerstoff" en Allemand, tiens). Quand Hasswut fait dans la lourdeur, ils y vont vraiment (la bien nommée Koloss). Au sein des rythmiques mécaniques, on distingue suffisamment d'âme : ce n'est jamais aseptisé ni poussif et Hasswut nous surprend régulièrement (Les Morts et son ambiance réussie). Il faut dire que Sauerstoff est court : on n'a ni le temps de se répéter, ni de s'ennuyer, et ce jusqu'à Eigengrau dont la voix féminine et les sanglots apportent encore un supplément de variété.
Finalement, malgré sa pochette très colorée, malgré son ancrage bien affirmé dans un genre codifié au point d'en devenir rasoir, Sauerstoff est un album satisfaisant, un truc assez méchant et fun pour satisfaire nos instincts les plus primitifs. Sa durée ramassée évite les redites et permet à chaque titre d'être pertinent. Bref, du bon boulot, divertissant, honnête et suffisamment habité. Et en plus, on ne se cogne pas de chanson-triste-de-l-émotion-de-l-amour-du-coeur-brisé super chiante. On y allait en pensant râler et se moquer gentiment, on en ressort avec l'envie d'y retourner !